Annecy Classic Festival 2012

Rencontre avec Pascal Escande, co-directeur artistique du Annecy Classic Festival

19/8/2012
Affiche du Annecy Classic Festival 2012 Le festival a pris un nouvel essor en 2010 avec la participation d’interprètes de grand renom ainsi que celle d’orchestres mythiques, comme le philharmonique de Saint Petersbourg dirigé par Yuri Temirkanov et le Mariinsky Orchestra dirigé par Valery Gergiev. À quoi est due cette transformation ?

Pascal Escande: Cette transformation résulte d’une histoire d’amitié avec le pianiste Denis Matsuev. En effet, je fus le premier à l’inviter en France pour un récital dans le cadre du Festival à Auvers-sur-Oise en juin 1999. Cela fut suivi d’un disque «live» dans notre collection DiscAuverS tout en contribuant à le faire connaître dans le milieu musical français. Alors, lorsque Denis m’a proposé de nous faire rencontrer la Fondation AVC Charity – fondation qui le suit et l’aide dans sa carrière internationale – pour donner une autre dimension au festival grâce à un mécénat très important, comment ne pas accepter un pareil cadeau ! De plus, il me semblait tout à fait naturel que nous puissions travailler ensemble et bâtir une nouvelle rencontre internationale qui porte désormais le patronyme de «Annecy Classic Festival». L’amitié et la confiance mutuelle sont les dénominateurs communs de notre entente.

Malgré cette transformation, l’esprit du festival créé il y a plus de quarante ans par Eliane Richepin reste toujours présent puisque vous continuez à y organiser des master-classes pour les jeunes étudiants…

Oui bien sûr, l’esprit insufflé par mon maître, Eliane Richepin, perdure et lorsqu’en 1998, elle m’a demandé de prendre la présidence des académies et du festival, j’ai tenu à poursuivre les axes forts qui formaient les bases de sa création: masterclasses et festival. Il ne faut pas oublier que «Les Pâques Musicales d’Annecy» furent une rencontre des plus prisées dans les années 75/85 ! Et bien entendu, depuis 1981, j’ai appliqué à Auvers ce que j’avais appris en tant qu’étudiant à Annecy, en créant une mission dédiée aux jeunes artistes – DiscAuverS – mission dans un esprit de résidence pour les aider dans leur début de carrière en les faisant jouer, en leur trouvant des concerts et en leur produisant leur premier CD. Alors pour cette année, les masterclasses annéciennes se déroulent sur trois jours et sont assurées par Jacques Rouvier pour le piano, Henri Demarquette pour le violoncelle et Jean-Yves Fourmeau pour le saxophone, tandis que l’académie de chant choral, dirigée par Patrick Marco, dure huit jours afin de travailler en profondeur le montage d’une grande œuvre inscrite dans la programmation.

Annecy Classic Festival - Youri Temirkanov dirige l'orchestre philharmonique de Saint Petersbourg

Quels seront les moments forts pianistiques de cette édition 2012 ?

Evidemment le piano est toujours à l’honneur à Annecy et y sera à jamais ! Ne l’oublions pas, Eliane Richepin est la première à avoir créé le terme «Nuit du piano» qu’elle avait d’ailleurs labellisé et protégé à l’INPI en 1978. Ensuite, ce terme fut repris maintes et maintes fois. Elle aimait s’entourer d’une vingtaine d’artistes; cela commençait à 19 heures pour se terminer à près de 2 heures du matin. C’était la grande tradition: autour du Maître, ses étudiants, ceux à l’orée d’une carrière et bien sûr ses amis. Comme je vous le disais, le piano est donc très présent, d’autant plus avec Denis Matsuev qui décline récital, musique de chambre et concerto (Beethoven, Liszt, Prokofiev cette année) tout au long de chaque programmation... l’histoire se poursuit donc. La Nuit du Piano ER, hommage à Eliane Richepin, comprend quatre récitals de 45 minutes afin de laisser un peu de temps pour quelques bis et une pause dinatoire après le deuxième récital. Pour cette édition, j’ai souhaité inviter de jeunes stars du clavier comme HJ Lim, Sergio Tiempo, Hisako Kawamura et Bertrand Chamayou. Une belle nuit en perspective ! Et le 23 août, nous recevons Nikolaï Lugansky, un fidèle d’Auvers-sur-Oise et un grand ami de Denis Matsuev, dans un programme Janacek, Chopin, Liszt et Rachmaninov ! Entre temps sera donné le Requiem de Brahms dans sa version londonienne pour deux pianos sous les doigts de Claire-Marie Le Guay et Christine Lajarrige, tout cela sous la direction de Patrick Marco.

Vous êtes co-directeur artistique du festival avec votre ami, le pianiste russe Denis Matsuev. Quel est le rôle de chacun d’entre vous ?

Cela est très facile, car nous avons les mêmes goûts et partageons les mêmes passions, notamment la découverte de jeunes talents. Ainsi la direction artistique est peut-être bipolaire mais reste cohérente. Je continue à faire confiance aux artistes et aux ensembles qui ont fait la réputation d’Auvers (Denis Matsuev en fait d’ailleurs partie) avec la même ardeur pour en découvrir de nouveaux ! Quant à Denis, il ouvre la programmation au symphonique en conviant les plus belles phalanges mondiales comme cette année, le Royal Philhamonic Orchestra dirigé par Charles Dutoit, et l’orchestre Philharmonique de Saint Petersbourg sous la baguette inspirée du désormais annécien d’adoption, Youri Temirkanov, avec qui il a une réelle connivence. De plus, comme tout musicien russe, aimant l’imprévu et les surprises, lorsqu’il convie ses amis pour une soirée de musique de chambre – comme ceux du quintette de Bartok l’an passé – il entraîne son public très loin dans la nuit grâce à de superbes bis qu’il donne avec fougue et générosité.

Quelle direction souhaitez-vous donner à l’événement dans les années à venir ?

Je répondrai à cette question par rapport à la ville d’Annecy qui a toujours soutenu la musique classique depuis la création d’Eliane Richepin dans les années 70 et qui amplifie son aide depuis cette renaissance avec Annecy Classic Festival. Il est vrai qu’Annecy dispose d’atouts non négligeables et prend donc une réelle responsabilité en matière musicale, non seulement à l’échelon régional, mais encore à l’échelon national et même européen. Son contexte particulier lui en offre l’opportunité. En effet, si Annecy est une ville dite de belle dimension, elle devient très importante avec sa communauté d’agglomération tout en conservant son autonomie en raison de son emplacement géographique et son positionnement administratif. La population qui se multiplie l’été, de par l’attrait de sa situation, dans un écrin de montagnes au bord du plus beau et plus propre lac d’Europe, de sa proximité avec une suisse francophone active sur le plan culturel, place Annecy dans un «pôle de développement» de haut niveau. Et ce n’est pas par hasard non plus que le sport soit aussi un axe de développement, tant pour les amateurs que pour les professionnels, à tel point que la ville peut ainsi rivaliser avec d’autres sites sur le plan mondial. Ainsi et en à peine trois années, la musique inscrit le festival dans les manifestations internationales d’envergure, et les médias qui se sont déplacés lors des précédentes éditions (New York Times, China Daily, Le Devoir/Québec, presse et télévisions nationales et étrangères...) n’ont pas hésité à considérer que la ville d’Annecy prenait un rang important dans le soutien à des manifestations festivalières en matière de musique classique, ce qui veut dire que le public des professionnels comme des amateurs compte Annecy dans leurs nouvelles destinations de séjours musicaux. De plus, de grands projets se dessinent pour 2014/2015 en matière d’auditorium, de salles de congrès et d’hôtels projetant le festival dans un développement exponentiel et une dynamique de réussite tout en conservant ses lignes maîtresses: le piano, le symphonique et la musique de chambre du 18ème siècle à aujourd’hui !

 

Annecy Classic Festival, du 21 au 31 août.