Festival Chopin à Paris

Rencontre avec son président, Antoine Paszkiewicz, et son vice-président et conseiller musical, Jean-Yves Bras, à l'occasion de la 28e édition du festival

4/7/2011
Festival Chopin à Paris 2011 Le festival célèbre cette année le bicentenaire de la naissance de Liszt, avec comme fil rouge l'intégrale des Années de Pèlerinage. Pourquoi avoir choisi ce cycle ?

Les Années de Pèlerinage couvrent pratiquement toute la vie de Liszt car la Première Année, Suisse s’inspire de l’Album d’un voyageur conçu entre 1834 et 1836, la Deuxième Année : Italie rassemble les souvenirs d’Italie entre 1838-1839 – ces deux premières Années ayant été grandement révisées pour leur publication respectivement en 1855 et 1858  – et, enfin, une quarantaine d’années plus tard, la Troisième Année composée pour l’essentiel en 1877, publiée en 1883. Outre l’aspect chronologique qui témoigne de l’intérêt constant de Liszt pour construire cette vaste trilogie, la thématique des pièces révèle la sensibilité du compositeur à tout ce qui concerne la nature, l’art, la littérature, la religion, thèmes éminemment romantiques qui traduisent à la fois l’ouverture et la profondeur de sa personnalité. Enfin, l’intérêt pianistique des trois Années n’est pas moindre dans la mesure où les émotions subies par le musicien trouvent une correspondance sonore d’une originalité exceptionnelle, à l’abri ici de toute virtuosité gratuite. Ces trois raisons nous ont donc conduits à programmer l’intégralité des Années de Pèlerinage qui constituent un des grands cycles du répertoire pianistique. S’y ajoute celle de montrer la différence de nature sur le plan humain entre la « carrière voyageuse » de Liszt et le repli solitaire de Chopin, et sur le plan musical deux appréhensions complémentaires du clavier romantique.

Avec plus de 6000 spectateurs par édition, le festival est un événement très attendu par les mélomanes parisiens, amoureux du piano et de la musique de Chopin. Quelles sont, selon vous, les raisons de ce succès ?

Le festival est désormais bien ancré dans le temps et dans l'espace. Il a lieu depuis 28 ans au cœur d'un des plus beaux jardins parisiens, célèbre pour sa roseraie, et se déroule chaque année entre la mi-juin et le 14 juillet au moment où les roses sont les plus belles. Le public parisien en quête d'authenticité et de découvertes musicales sait donc ce qu'il trouvera au festival : de quoi combler ses aspirations à quelques minutes de l'agitation de la ville. Ajoutez à cela la fascination qu'exerce l'œuvre de Chopin auprès du plus large public, mélomane ou néophyte, l'originalité renouvelée d'une programmation articulée chaque année autour d'un nouveau thème et le choix d'interprètes que nous sélectionnons sans concession et vous avez tous les ingrédients qui font de chacun de nos concerts un moment exceptionnel. D'ailleurs, nous ne touchons pas seulement le public parisien. De nombreux festivaliers, fidèles ou occasionnels, viennent chaque année de province et de l'étranger. Certains reviennent même depuis plus de 10 ans et ne manquent pas un seul de nos concerts.

L'Orangerie du Parc de Bagatelle à Paris

Chaque année, vous vous attachez à présenter huit jeunes pianistes lors d'une journée portes ouvertes. Comment est née cette idée ?

Nous nous sommes aperçus que le prix des concerts n'était pas la seule raison qui éloigne le grand public de la musique classique. Beaucoup d'auditeurs en puissance, par exemple les promeneurs du parc de Bagatelle, font preuve de curiosité à l'approche d'un concert dans l'orangerie mais craignent de devoir y rester pendant un temps long et peut-être ennuyeux. Nous avons donc mis au point ce concept d'une succession de huit concerts courts (30 minutes) et gratuits. La réponse du public est allée bien au-delà de nos espérances : l'orangerie est comble, les jeunes pianistes se produisent devant un public enthousiaste et, quant à nous, nous sommes heureux d'avoir propulsé ces jeunes à l’affiche d’un grand festival et d’avoir certainement converti plus d'un spectateur à la musique classique et à Chopin.

Le festival s'ouvre également à la création contemporaine puisque depuis 1989 – à l’exception de ces deux dernières éditions – une œuvre placée sous l'invocation de Chopin est commandée à un compositeur. Allez-vous poursuivre cette initiative dans les années à venir ?

Dans les années passées nous avons commandé un certain nombre de pièces à des compositeurs, le plus souvent pour ajouter à la programmation une illustration contemporaine du thème du festival. Nous sommes déterminés à poursuivre cette initiative pour autant que nos moyens financiers nous le permettent. À nos yeux, le Festival Chopin à Paris est tout sauf un festival-musée tourné vers le passé. L’œuvre de Chopin ne constitue pas seulement une référence pour les pianistes mais également pour les compositeurs qui en admirent encore aujourd’hui la modernité. Elle peut être pour beaucoup une source inépuisable d’inspiration.

Cette 28e édition coïncide avec les 100 ans de la société Chopin. Outre la création et l'organisation du festival, quelle est sa mission ?

Notre mission est de faire connaître et aimer l'œuvre et la personnalité de Chopin. Cette mission n'aurait pas son plein sens si l'on y ajoutait celle de faire apprécier à travers sa musique certains traits du caractère de notre héros trop souvent oubliés dans notre époque contemporaine : élégance, authenticité, exigence sur la forme et sur le fond, refus de tomber dans le superficiel et le simple divertissement. Il y a au sein de la société Chopin un esprit, une façon de faire les choses avec respect, d'accueillir chaleureusement le public et les artistes, de rechercher la beauté dans sa plus simple et plus pure expression. Faire partager autour de nous cet enthousiasme et l'exigence qui l'accompagne, voilà notre véritable mission.

Quels événements ont marqué son histoire ?

Depuis sa création en 1911 d'illustres prédécesseurs au sein de la première société Chopin ont multiplié concerts, publications, cours publics d'interprétation, conférences, colloques, recherches scientifiques et musicologiques, et autres hommages à Frédéric Chopin. Nous poursuivons leur démarche. Dans les années récentes la société Chopin à organisé la réplique des funérailles de Chopin à l'église de la Madeleine 150 ans plus tard jour pour jour heure pour heure – un événement retransmis en direct en Eurovision. L'année dernière, pour célébrer le bicentenaire de la naissance de Chopin, nous avons pris part aux côtés du festival de Nohant, de la Fondation Pleyel et de la mairie de Châteauroux à l'un des événements majeurs de l'année Chopin en France intitulé « Bon Anniversaire Monsieur Chopin ». 60 pianistes de tous âges ont interprété l'intégrale de l'œuvre pour piano de Chopin dans l'ordre chronologique en deux jours. Cet événement a été diffusé en 60 émissions de télévision durant l'été dernier. En somme, à côté de la régularité du festival et de nos autres activités annuelles, nous nous employons à réaliser des événements marquants en l'honneur de notre héros.

Comment imaginez-vous les prochaines décennies de la société Chopin ?

Nous formons le vœu que chaque année la flamme d'une bougie supplémentaire vienne s'ajouter à celles des cent années passées, que l'esprit de la société Chopin perdure et que notre association s'enrichisse de nouveaux sociétaires aussi déterminés que nous le sommes à servir de façon vivante la mémoire et l’œuvre éternelle du génial compositeur.

 

Jusqu'au 14 juillet à l'Orangerie du Parc de Bagatelle à Paris. Programme détaillé sur le site du festival.